Témoignage

 Bonjour !

Je m'appelle Séverine et j'ai 37 ans. Diagnostiquée bipolaire en 2010 et sous médicament seulement depuis 2 ans.
Originaire du Sud Ouest de la France à Castres, je n'ai jamais avoué à mes parents que je voulais devenir une artiste.
Le fait de ne pas le dire a provoqué des crises de bouffées délirantes aigues, la plus sévère en 2015.
Pour plaire à mes parents, j'ai fait des études en gestion d'entreprise. Première année en Prépa HEC, DUT GEA, Licence en Institut d'études politiques et pour finir une Licence Professionnelle "Animateur Qualité". J'ai échoué mes études car j'étais malade sans le savoir.
Je sortais souvent, je buvais beaucoup et je fumais des joints.
Entre phases maniaques et dépressives, je voyais régulièrement des psychiatres qui n'ont jamais posé de diagnostic. Des idées suicidaires en phase down et des crises mystiques en phase up. J'avais l'impression d’avoir une mission sur terre.
En 2002, à Marseille j’allais à l’église et j'avais l’impression qu'il fallait combattre des ennemis pour empêcher que la 3ème guerre mondiale n’arrive. Je parlais beaucoup aux inconnus et je voyais des signes dans les plaques d'immatriculation de voitures. Des messages codés et il fallait absolument que je les déchiffre. Mon cerveau était en ébullition et je n'arrivais plus à dormir.
Ma première hospitalisation a eu lieu lorsque j'avais 23 ans. Lors de mon stage dans une maison de convalescence, j'ai eu une relation amoureuse avec un patient qui était sans abri en cure de désintoxication. Il me faisait rêver car il venait de Paris. Mon désir d'artiste était lié.
Un soir, alors que le patient découchait dans ma chambre, un médecin frappe à la porte et m'annonce que mes parents et que le directeur de la maison de convalescence étaient là. Dans une colère euphorique, j’ai pris le téléphone et j’ai appelé la police. J’ai porté main courante contre mon père. Aujourd’hui je le regrette.
À l’hôpital, ils m'ont donné beaucoup de médicaments. Je suis restée une semaine dans une chambre sans biens personnels. L'autre semaine, j'étais beaucoup plus libre. J'avais un plan en tête : monter à Paris.
2 semaines d'hospitalisation en procédure HDT qui n'ont servi à rien car aucun diagnostic n'a été posé. Une fois sortie de l’hôpital, j'annonçais a ma mère que je partais vivre avec le patient qui lui allait s’évader de la maison de convalescence. En furie, je suis partie le rejoindre. Nous avons vécu un an ensemble. J'ai pris des risques inconsidérés : conduite, drogues. J'ai gaspillé beaucoup d'argent. Je me suis éloignée de ma famille. Nous avons vécu dans la rue à Paris puis en Bretagne. Notre idylle est morte dans le sud de la France en Aveyron. Un matin il n’était plus là.
J'ai eu des problèmes financiers. Ma seule solution, trouver du travail. J'ai donc travaillé au sein d'une entreprise agro-alimentaire dans le fromage en tant qu'assistante commerciale.
3 années stables, car j'avais arrêté les drogues.
Mais j’ai rencontré Mathieu en 2005. En 2007, Nous avons quitté le Sud Ouest pour Paris car il avait obtenu un CDI chez Sanofi en tant qu'attaché de recherche clinique. Mon rêve de Paris a refait surface.
La chance a fait que j'ai travaillé pendant 4 ans au sein du siège de Coca Cola à Issy les Moulineaux. J'ai dépassé mes limites. Je me suis donnée corps et âme dans le travail. Petit à petit, ma relation avec Mathieu s’est détériorée. Nous avons vécu un avortement. Il ne voulait pas le garder. J’ai commencé petit à petit à tomber en dépression . Jusqu’au jour où je tombe sur 34 pages de mails m'annonçant qu’il me trompait avec sa secrétaire. La seule issue était de partir. Je suivais une thérapie comportementale et cognitive avec une psychologue qui avait travaillé avec le grand psychiatre Christophe André. La seule issue était de partir.
J’ai perdu tous mes repères. On m'enlevait l’homme avec qui je croyais me marier, on m'a enlevé mon enfant. J'ai tout perdu.
J'ai alors commencé à dénigrer mon travail. J'avais l'impression que je travaillais dans une secte rempli de nazis. J'écoutais en boucle de la musique.
Je me suis séparée et j’ai vécu à Bievres dans l’Essonne. J'ai alors vécu un phase maniaque qui a duré plusieurs mois. Je me suis coupée de tout : je dessinais frénétiquement, j’écrivais beaucoup, j’avais l’impression d’entendre des voix, j’étais en lien avec les Pyramides d’Égypte. J’étais en lien avec la nature, l’oiseau de la Pie pour moi était un lien magique comme Audrey Tautou dans le film « le Long dimanche de fiançailles ». J'ai commencé à avoir des crises mystiques. Je croyais aux anges, aux démons, à la numérologie. J’ai commencé alors à me renseigner sur la physique quantique, à la théorie des cordes. J’avais l’impression que je devais décoder un code qui allait sauvait l'humanité. J’ai commencé à connaître des états de transe, je tremblait énormément. J’ai alors connu un livre qui a bouleversé ma vie.
J’ai fait l'expérience de l’écriture automatique. C’était en 2010, l’année où le diagnostic est tombé.
Dans cette écriture automatique était écrit :
Personne ne doit te dire le contraire
Je suis là pour te guider
Poésie
Je pense que le temps est venu pour toi
Génèse
Ne fasse que le bien autour
Tu dois guider génèse
Je suis venu te parler de la vie
Je dois te guider vers le salut
Le don de toi
Le don d’écouter la pluie
La pluie est le signe de la vie parce qu'elle veut de ton bien
La pluie doit te permettre de grandir
Je peux te le dire la Sève est prête
Ecrire
Je peux te le dire que la vie est génèse
Le message est le suivant : tu dois guider génèse
Je peux te le dire le temps est venu pour toi de partir
Jésus est là pour te guider vers la lumière
Écouter le don de parler et d’écouter
Est la lumière de la terre
Je suis là pour te montrer le chemin
Ne sois pas pressée
L’écriture elle peut te servir
Nature ne laisse pas le temps
Le temps oublié
Je suis et j'inspire, je suis et j’expire
Je suis et je protège pour te rendre belle
Ne laisse pas le temps
Je laisse les autres faire
Je prie le Seigneur me guider
Ne laisse pas le temps s'écouler
Je suis là lumière, je suis le courage nécessaire
Nature est le vide
Autour de moi, je suis et j’inspire, je suis et j'expire
Le temps te dira, le temps te guidera, le temps te poursuivra
Je suis et j'inspire, je suis et je persiste
Je suis et j’oublies le passé et le futur
Je prie tous les jours
Je suis et j'oublies
Je suis le guide, je suis le monde, je suis là lumière
Je prie la terre notre mère
Les brillantes
Je pense que tu devrais te diriger vers la nature, le temps est venu pour toi
Ne laisse pas les autres te guider, ne laisse pas la peur te submerger, ne laisse plus le monde sans toi
Je suis là n’aies pas peur
Le langage du cœur est le suivant : je suis et j’inspire, je suis et j’expire
Le souffle du vent, la sphère est là, la lune est pleine de lumière
Le dessin et la musique
Surnaturel est l’évidence, surnaturel est la plénitude et la pluie
Je cherche et je trouve
Je suis venu te dire que la vie est longue
Je ne suis pas sûre de dire la vérité aux autres parce que la nuit…
La vie est longue et le temps te dira
Je suis là pour te guider je suis là pour te montrer
Prie prie la terre qui se meurt
Les autres ne plus jamais les écouter
Je suis là pour te dire : prier prier
Je suis là pour guider les anges de la liberté
J’étais en arrêt maladie lorsque j ai écrit cela. Mon arrêt maladie a duré neuf mois. Coca cola m’a proposé une rupture conventionnelle. Je n’ai pas refusé.
J’avais l’impression que je communiquais avec les esprits. J’avais l’impression de communiquer avec Dieu et Jésus. J'ai perdu pied. Je n'ai jamais été élevée dans la religion. Le seul fait marquant de ma vie fut la mort de ma meilleure amie dans un accident de voiture lorsque j’avais 15 ans. La même année j'ai perdu mon grand père le lendemain de mon anniversaire.
Ma mère m’a prêté "le Livre de la Vie et de la Mort" de Sogyal Rinpoche, moine Tibétain. J'ai forgé mes propres croyances comme croire en la réincarnation. Je préférais me dire que ma meilleure amie allait se réincarnait…
A la suite de cette écriture, je voulais devenir sophrologue. Je voulais sauver l’humanité. Je voulais devenir artiste. J’ai même postulé pour des écoles d’art. Je me suis introduis dans le monde du graffiti. Je voulais rentrer dans les ordres. J'avais beaucoup de projets en tête. J’étais en pleine phase maniaque.
La Grâce à fait que j’ai eu la chance de participer au clip de « Jouer Dehors » de Mademoiselle K réalisé par Rodolphe Pauly au Bus Palladium. J’étais figurante pendant 3 jours. Je pouvais enfin réaliser mon projet de devenir artiste. Cette chanteuse m'a permis de transcender ma souffrance lié à l’avortement grâce à sa chanson « alors je dessine ». Ce furent les plus beaux moments de ma vie mais aussi les plus douloureux. Une fois la tournée de Mademoiselle K finie au Bataclan, je suis tombée en dépression.
J'ai alors pris contact avec un psychiatre. Il m'a diagnostiqué bipolaire. J’ai pris peur. J’ai refusé la maladie qui pour moi était une maladie inventée par la société. J’ai refusé de prendre le traitement.
Mes parents voyaient que cela n'allait pas. J'ai quitté Paris pour Castres. A 30 ans, je me retrouvais à vivre chez mes parents sans boulot. L’échec total, surtout après Coca cola. J’étais coupée de tout loin de Paris. Plus d’amis, plus rien.
Grâce aux réseaux sociaux, j’ai gardé contact avec Louis, lui aussi bipolaire, rencontré au clip de Mademoiselle K. Il m’a beaucoup soutenu.
On désire alors de se revoir. il habitait avec sa femme à Rouen.
On a passé tous les 3 un weekend ensemble. Louis m'annonce alors une tragédie le lundi : sa femme était morte d’une rupture d' anévrisme dans ses bras. Il était anéanti. Il a voulu que je l’aide à traverser le deuil. En tant que bipolaire, Louis n’a pas voulu se faire aider pour surmonter son deuil. Nous nous sommes beaucoup rapproché et nous avons vécu ensemble pendant 2 ans. Ce fut une des expériences les pires de ma vie. Il était violent, paranoïaque et jaloux. Un jour, je me suis retrouvée dans ses bras avec un couteau sous la gorge. Pourtant, je l'admirais. Louis était un guitariste talentueux. Nous avons même écrit une chanson ensemble. Nous avons pris beaucoup de risques : dépenser beaucoup d’argent, conduite dangereuse, drogues. C’était une histoire surréaliste. Pour nous, c’était les autres qui étaient fous. Mais si, mais non… Au fur et à mesure, nous nous sommes éloignés. C’était juste une descente aux enfers. Les crises de violence et de colère de Louis étaient de plus en fréquentes. On devait stopper la relation.
Pendant la même période, j'ai eu plusieurs boulots en CDD et en intérim mais rien de solide. Je souffrais beaucoup de mon échec parisien jusqu’à des pensées suicidaires qui vous collent dès le matin.
Tout le monde me disait que Paris était trop dangereux pour moi à cause de la maladie. Je devais faire une croix sur mon passé. Pas si facile.
J’ai alors commencé à prendre des cours de peinture. J’ai adoré faire de l'abstrait. La peinture m’a permis de créer des mondes parallèles, imaginaires et ésotériques. Pour moi, c’était une béquille. Un monde où je pouvais m’évader et fuir ma triste réalité.
Je souffrais énormément de mes petits boulots et je voulais conjurer le sort. J’ai alors commencé à chercher du boulot sur Paris. Lustucru m'a proposé un CDI en 2013 à Boulogne Billancourt. Pour moi c’était du pain béni comme une résurrection.
Je me suis complètement investie dans mon travail. J’ai alors rencontré Alan lors d'une session de graffiti à la MJC de Saint Denis. Comme deux aimants. Il est devenu un ami. J’étais heureuse. J'étais bien, tellement bien que je n'ai pas réussi à gérer. J’avais des excès d’euphorie et mon désir d’artiste refaisait surface.
L'hiver 2015 a été un point clef. Les attentats de Charlie Hebdo m'ont complètement bouleversé. J’avais l’impression que j’étais suivie par les RG. Je parlais aux inconnus dans la rue, j’ai fait rentré des gens chez moi qui m'ont cambriolé. Je ne dormais plus. J’ai commencé a déconnecter de la réalité. J’ai suivi des gens dans le métro en les insultant de RG. Pour moi, ils complotaient avec Manuel Valls. J’ai même été virée d’une gare à Paris par la sécurité.
J’avais l’impression d’être comme dans un film. J’embrassais les arbres dans la rue. J’avais l’impression que J allais mourir. J’entendais des voix et j’avais des hallucinations. Je voyais des démons comme dans les bandes dessiné. J’avais l’impression qu’on voulait me fusiller. Je me frappais toute seule. Mes parents m’ont récupéré en pyjama dans la rue pied nus, maquillée partout.
Il était temps d’aller à l'hôpital. Ils m’ont amené à L’Hôpital de Castres aux urgences. Je me suis débattue avec la perfusion. Le lendemain je me suis réveillée attachée au lit. Ils m’ont transféré à l'hôpital psychiatrique de Lavaur. Pendant une semaine je suis restée en pyjama. Je n’avais pas le droit de téléphoner ni de sortir. Ils m’ont donné un traitement de cheval. J’avais impression d’être dans le film « le vol au dessus d’un nid de coucou ».
Cette fois ci, j’ai vraiment pris conscience de ma maladie. J’étais allais trop loin et ce depuis longtemps. Depuis le diagnostic en 2010, nous étions en 2015. Je voyais le mal que je faisais à mon entourage de part mes excès. J’ai pris la décision de me soigner même s’il fallait que ce soit à vie. A l’hôpital, j’ai vraiment vu la folie dans les yeux et je lui ai dit : tu ne m’auras pas. Je suis restée 15 jours à l’hôpital et j'ai du passer devant un juge.
J’ai réussi à reprendre mon travail chez Lustucru. D'abord à mi temps puis à plein temps. Cela fait 2 ans que je suis stable. Cela a été long, douloureux. Mais aujourd’hui, je suis dans l’équilibre de la vie. Le fait de prendre le traitement me rassure aujourd’hui. J’ai perdu beaucoup de temps dans ma vie.
Mais toutes mes expériences m’ont permis de comprendre que la maladie doit être mon alliée, ma force. Il n’y a pas de mots pour décrire mon ressenti. Et c’est très difficile pour moi de vous retranscrire mon histoire, tellement tortueuse. Ce qui m'a fait le plus mal et ce qui me fait le plus mal aujourd’hui, ce sont les jugements des gens. J’ai perdu beaucoup d’amis avec la maladie.
Mais des fois j’ai envie de crier « Je vous emmerde ».
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