[ Chronique d’une rupture de traitement ]
Honnêtement, je ne pensais plus jamais me retrouver en rupture de traitement.
La dernière s’était soldée par une hospitalisation sous contrainte avec mise sous contention et isolement… l’horreur de l’horreur, le pire du pire de l’hôpital psy !
Et de peur de me retrouver de nouveau dans cette situation, j’étais devenue plus vigilante…
Je pensais donc être suffisamment prévoyante pour ne pas me retrouver sans médicaments, et pourtant…
{ Chronologie }
Début décembre, dernier rdv de l’année chez le psy. Séance classique, pas de drame ni d’explosion, tout est sous contrôle.
Il m’annonce qu’il prend des congés et qu’il ne rentrera que fin janvier, « mais il y aura un remplaçant si besoin ».
Je rétorque avec une pointe d’ironie « Le même qu’il y a 2 ans ? Franchement, il était naze, j’ai pas du tout accroché ! ».
Je vois ses yeux se plisser et je devine son sourire sous son masque. Il sait que je n’aime pas les remplaçants.
On convient ensemble que je ne reviendrai qu’à son retour et il me fait mon ordonnance avec mon traitement habituel, le même depuis 3 ou 4 ans.
Tout se passe bien jusqu’à la semaine dernière…
Lundi dernier, je finis la plaquette de médocs, je vais en prendre une autre dans la boîte et je réalise qu’il ne me reste que 5 jours de traitement.
Je fouille vite fait dans la salle de bain, pas de boîte d’avance ! Normal…
Je me dis qu’il faudra que j’appelle le secrétariat du psy dans la semaine et je vais me coucher.
Mais, entre le boulot, les rdv kiné, orthopédiste et tout le bazar… j’oublie !
Petit vent de panique le mercredi soir !
Je réalise que je vais vraiment me trouver en rade ce week-end et que si je ne m’en occupe pas rapidement, ça va être la merde !
Jeudi, j’appelle 1 fois, 2 fois, 3 fois…
Pas de réponse…
Vendredi, pareil…
Je me résigne à passer le week-end comme ça. Et je commence à compter.
Je vais prendre le dernier médoc vendredi soir, donc samedi pas de problème…
Je serai en rupture à partir de samedi soir, mais en général, je ressens le manque vers le 3ème jour et ca dégénère au 5ème…
J’ai donc jusqu’à mercredi max pour trouver une solution. Ça me rassure un peu.
Lundi, j’arrive enfin à joindre le secrétariat en début d’aprem. L’assistante me répond, on se connaît bien depuis le temps, elle est cool, je l’aime bien.
Je lui explique, elle me rassure et me demande de confirmer mon mail pour m’envoyer l’ordonnance dès que le remplaçant l’aura faite.
Je suis soulagée.
Mais…
L’assistante me rappelle, « je suis sincèrement désolée, mais le remplaçant ne veut plus faire d’ordonnance pour des patients qu’il ne connaît pas. Même si c’est le traitement habituel, il ne veut pas ».
Pas de panique, je lui demande si c’est possible d’avoir un rdv en urgence, histoire d’avoir quand même mon ordonnance.
Elle se renseigne et me rappelle 15’ plus tard.
« C’est non. Il ne voit pas les patients qu’il ne connaît pas en urgence. Je suis vraiment désolée. Essayez de voir avec votre médecin traitant, sinon allez aux urgences ».
Je m’agace et je lui dis ce que je pense, même si elle n’y est pour rien. Je vais me retrouver en grande difficulté juste pour un problème d’ordonnance alors que c’est un traitement de longue date. On prend donc le risque de la décompensation et de l’hospitalisation, c’est ridicule et débile !
Ça fait 2 jours et demi que je suis sans traitement et je commence à ressentir le manque, bouffées de chaleur, tête qui tourne, mains extrêmement moites, palpitations… sans compter la peur de décompenser qui ajoute du stress et de l’anxiété.
J’appelle le secrétariat du médecin traitant, qui est aussi en vacances.
Difficile de demander au remplaçant de faire l’ordonnance sans me voir alors que ce n’est pas mon généraliste qui fait l’ordonnance habituellement.
Mais il y a une possibilité de rdv mercredi.
J’ai peur que ça soit juste.
Lundi soir, aromathérapie et huiles essentielles pour essayer de compenser un peu.
Et je réfléchis aux options.
Va falloir que je tente avec la pharmacie demain, même si je sais que c’est pas gagné vu le type de traitement…
Faut que je retrouve la dernière ordonnance… Je fouille partout, c’est pas le genre de papier que je classe, et je l’ai peut-être jeté
Et là, miracle ! Je tombe sur une vieille ordonnance que je n’ai pas utilisée ! Comme c’est valable 3 mois, je suis sauvée ! J’irai demain, ouf…
Mardi, je me sens très fatiguée et j’ai de plus en plus de symptômes physiques et psychiques liés au manque. Je sursaute, je suis à fleur de peau, je me sens angoissée, je n’arrive pas du tout à me concentrer, j’ai des vertiges, des maux de ventre, la vue brouillée, très envie de pleurer… et toujours les mains extrêmement moites, les bouffées de chaleur…
Je reste isolée de mes collègues pour ne pas me mettre en difficulté et je bénis le ciel de voir que mon seul rdv de la journée a été annulé.
Vivement ce soir !
Enfin, hier soir, je passe à la pharmacie récupérer mon précieux sésame !
Je prends mon traitement en me couchant, aux horaires habituels.
Aujourd’hui, ça va mieux. Même s’il reste de l’anxiété, des palpitations, de la fatigue et la tête qui tourne. Mais j’ai bien dormi, j’ai moins peur et je sais que ça va passer.
[ Pourquoi je raconte ça ?
Pour déculpabiliser les personnes à qui ça pourrait arriver. Non, ça n’est pas de votre faute si vous vous retrouvez sans ordonnance. Il peut arriver qu’on oublie, comme tout le monde, sauf que ça peut avoir un impact bien plus important pour nous. Il ne faut pas qu’on se déresponsabilise mais tout ne doit pas reposer uniquement sur nos épaules.
Pour responsabiliser les médecins et leur rappeler que nous ne sommes pas un simple nom ou un numéro. Derrière, il y a des êtres humains qui peuvent se retrouver en grande difficulté juste pour des questions de « principes ».
Pour faire prendre conscience à tous que nos traitements ne sont pas inutiles et que ce ne sont pas des caprices quand on dit qu’on en a besoin. J’ai déjà entendu « mais c’est pas grave si tu les prends pas pendant un week-end / pendant les vacances… », bah en fait si, ça peut être grave et ça peut conduire à des situations dramatiques.
Alors, si ça vous arrive, n’hésitez pas à solliciter l’ensemble de votre réseau de soin. Et si vous ne trouvez pas de solution, vous pouvez aller chez sos médecin ou aux urgences avant de vous retrouver en grande difficulté. Et voyez avec un soignant à quel moment de la journée il faut redémarrer la prise du traitement. Dans mon cas, il fallait que je le prenne le soir aux mêmes horaires qu’avant, mais ça n’est pas valable pour tous les médicaments, donc renseignez-vous et soyez prudents.
Prenez soin de vous ]
Avec l'acceptation de la personne temoignante. Témoignage issu du blog Itinérante escarpée